Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/567

Cette page n’a pas encore été corrigée

t’il, se guerissent par des remedes contraires, l’amour qui se produit de la vertu et des faveurs, doit bien se guerir en vous par les injures que vous avez receues, et par la cognoissance d’une faute si honteuse. – Ce qui a fait naistre mon amour, luy dis-je, c’est le destin auquel le Ciel m’a sousmis, et pource il ne faut jamais penser qu’il se change, que le Ciel et le destin n’en fasse de mesme. Et quant à la honte, je suis resolu d’entrer en champ clos contre ceux qui la calomnient. – Dieu ne le vueille pas, seigneur, me dit-il, car, outre que vous auriez affaire contre les deux plus rudes chevaliers d’Aquitaine, encore vous feriez-vous trop de tort, et vous offenceriez grandement le Dieu juste de prendre une querelle tant injuste. – Pour la valeur de Leotaris et de son frere, luy dis-je, elle ne m’est point incogneue ; jamais elle ne me divertira du combat. Mais pour l’offence du Dieu que tu dis, je m’en remets bien à luy, qui consent que j’ayme si passionnément Madonte qu’il m’est impossible de faire, autrement. – Comment ? s’escria-t’il, vous avez le courage, seigneur, de prendre les armes pour deffendre la vie de ceux qui vous ont le plus indignement traicté ? Vous n’avez point de sentiment de tant d’offences ? Et vous voudrez que chacun recognoisse en vous ceste insensibilité ? Ne vous ressouviendrez-vous point que, cependant qu’elle usoit de tant d’insupportables rigueurs envers vous,