Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/566

Cette page n’a pas encore été corrigée

choix de Tersandre pour me le preférer ? Vous avez doncques eu le courage si rabbaissé de faire seigneur de vostre volonté celuy que vos predecesseurs eussent beaucoup favorisé de recevoir pour leur serviteur ? Est-il possible que ce cœur genereux que j’ay veu autrefois en vous, se soit tellement changé que vous ne mouriez plustost de la honte d’un tel choix, que du supplice qui vous est preparé ? 0 Dieu ! ô Ciel ! comment est-il possible que vous l’ayés rendue d’un corps si beau, et d’un esprit si dissemblable ?

Je demeuray à ce mot fort long temps sans parler, pour avoir trop de choses à dire, ressemblant en cela à ces vases qui pour estre pleins et versez tout à coup, ne laissent sortir l’eau qu’avec difficulté.

Halladin qui consideroit toutes mes actions, pensant soulager mon mal, et me voyant taire, prit l’occasion de me dire : Si j’eusse pensé, seigneur, que cette nouvelle vous eust rapporté tant de desplaisirs, ce n’eust jamais esté par moy que vous l’eussiez eue.

– Et comment, luy dis-je, Halladin ! pouvois-tu penser que je ne deusse ressentir la honte et la mort de la personne du monde que j’ayme le mieux ? – Et comment cela ? me respondit-il, puis que c’est la personne du monde qui vous a donné plus d’occasion de la hayr. – L’amour, repliquay-je, est plus grand en moy, qu’aucun outrage, et puis ne sçais-tu que, pour rompre et l’arc et la flesche, l’on ne guerist pas la blesseure qui en a esté faite ?

– Si les maladies, adjousta-