plus asseuré, je luy demanday le nom de cette dame ; mais il me dit qu’il l’avoit oublié, bien, m’asseuroit-il, que c’estoit l’une des principales, et qui n’estoit point mariée.
Je tins alors le soupçon pour certain, me remettant devant les yeux l’affection d’elle et de Tersandre, et parce que je ne voulois qu’ils se prinssent garde de mon desplaisir, je fus contrainct de leur rompre compagnie, et, me retirer sous les arbres qui estoient aupres de la maison ; et là, estant seul, quelles contraires pensées me vindrent tourmenter ! Le desplaisir ou plustost la rage d’avoir esté si vilainement trompé me faisoit desirer la vengeance decet outrage. Mais soudain, combien changeois-je promptement de volonté quand je me representois l’affection que je luy avois portée, et que pour un temps elle m’avoit fait paroistre ! J’avoue que, perdant tout desir de vengeance, je ne pouvois retenir les larmes quand je me figurois la miserable condition où la fortune l’avoit réduite.
J’eusse demeuré plus long temps en cette pensée, quoy qu’elle m’entretinst jusques au soir, si Halladin, revenant du lieu où je l’avois envoyé, ne m’en fust venu retirer. D’abord que je jettay les yeux dessus luy, je jugeay bien qu’il avoit quelque chose à me dire, qu’il n’osoit pas ; et à cause de ce que m’avoit dit le vieux pescheur, je n’avois aussi la hardiesse de la luy demander. Je m’efforçay toutesfois en fin !