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IX

Ou bien devant mes yeux souffriray-je au contraire
Qu’un autre l’idolatre et qu’il s’en dise amant ?
Et que, faute de cœur, je ne l’ose pas faire,
Ou que faute d’amour, je flechisse au tourment ?

X

Que deviendront, ô dieux ! tant de cheres délices,
Et tant de doux plaisirs que nous nous desseignons ?
L’on nous condamnerait ainsi que ses complices,
Si par faute de cœur nous ne nous esloignions.

XI

II n’ira pas ainsi. J’ayme mieux qu’on raconte
Que je meurs sans flechir aux coups de sa rigueur,
Que si, me voyant vivre, on disait à ma honte :
II vit, mais il fust mort, s’il en eust eu le cœur !

XII

Qu’à son gré de mon bien la fortune dispose,
Que mon malheur s’accroisse ou qu’il dure sans fin :
Si je ne puis flechir le destin qui s’oppose,
Non plus me verra-t’on flechir à ce destin.

VIII

Je l’adoreray donc, ceste beauté cruelle,
Et prendray pour raison l’opiniastreté ;
II vaut mieux ne voir point, que ne voir ceste belle,
Et la voyant, n’aymer une telle beauté.