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III

C’est errer, si l’on peut avoir ce qu’on désire,
Que de s’en retirer pour crainte du trespas.
Si pour la contenter la mort pouvait suffire,
Nous nous y resoudrions et ne la fuirions pas.

IV

Mais vieillir en servant, et languir dans l’outrage,
Sans espoir d’obtenir qu’un mespris desdaigneux,
C’est monstrer qu’en effect nostre peu de courage,
Le pouvant supporter, ne merite pas mieux.

V

Laissons donc cet esprit qu’en aymant l’on offense,
Et de sa tyrannie en fin nous separons ;
Que si l’on nous reprend du vice d’inconstance,
Au loix de nostre honneur sagement recourons.

VI

Que le ressouvenir de ses rigueurs passées,
Ses beautez et l’amour arrache, de mon sein ;
Mais Dieu ! qu’il est aisé d’avoir telles pensées !
Mais qu’il est mal-aisé d’en finir le dessein !

VII

Rompray-je donc mes nœuds et ma prison encore
Pour ne poursuivre plus ce dessein ruineux ?
Mais puis-je n’estre point à celle que j’adore,
Et n’est-ce impieté que d’en rompre les nœuds ?

VIII

Tant de beautez qu’Amour pour soy-mesme souhaitte,
Tant de bon-heurs futurs, tant d’aymables appas ;
Bref, la chose du monde au monde plus parfaicte,
Estant devant mes yeux, ne l’aymeray-je pas ?