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longuement en ce lieu sans estre recogneu, puis que sans doute ces pescheurs ne pourroient se taire de ce qu’ils sçavoient de moy, et n’estant guere esloigné du lieu où Torrismond se tenoit, mal-aisément pourrois-je m’y celer plus longtemps.

Ces considerations et quelques autres que je laisse à dire, pour ne vous estre trop ennuyeux par un si long discours, me firent prendre la resolution qu’Halladin m’avoit conseillée. Et dés qu’il fut jour, je le resveillay, et luy dis que je voulois suivre son advis, qu’il allast en la plus proche ville acheter des chevaux, et pour luy et pour moy, et me faire avoir des armes, parce que je craignois que si j’allois desarmé, je fusse recogneu plus aisément. Il partit incontinent le plus aise du monde de me voir en ceste volonté ; et quoy qu’il usast de toute la diligence qui luy fut possible, si demeura-t’il douze ou quinze jours pour faire faire les armes ainsi que je luy avois desseignées. Durant son absence, je fus encore plus solitaire et particulier que je n’avois jamais esté, et de telle sorte que le bon vieillard s’en estonnoit. j’avoue qu’en ce temps là je disputay souvent en moy-mesme si je devois rompre ma prison et mes fers, et que me representant les raisons que la generosité peut mettre devant les yeux à un homme de courage, je fus quelquesfois esbranlé de les suivre. Mais ce