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imprudence de tenter une chose que l’on sçait estre impossible. – Et comment, respondit-il, nommerez-vous ce qui vous donne opinion qu’il soit impossible, ne l’ayant point essayé, et n’y ayant raison qui vous le puisse persuader. Quant à moy, continua-t’il, j’ay cette opinion de moy, que tout ce qu’un escuyer peut faire ne me sçauroit estre impossible, et tiens encore pour plus asseuré que tout ce qu’un chevalier peut obtenir, vous le pouvez encores, si vous le voulez. Qu’est-ce qui vous en peut désespérer ? vous manque-t’il quelque chose que la seule volonté ? Si ce Tersandre, qui est cause de vostre mal-heur, eust eu cette mesme consideration, eust-il entrepris de vous oster Madonte ? Et pourquoy, si vous avez peu luy oster la vie, n’avez-vous et le pouvoir et la fortune de r’avoir ce qui a desja esté à vous ? Croyez, seigneur, que ce qui a esté une fois, peut une autresfois arriver, si l’on s’y estudie. – Ne sçais-tu pas, luy dis-je, que Madonte l’ayme ? – Ne vous a-t’elle pas aimé ? respondit-il. – Mais, luy dis-je, elle me veut mal. – Et n’ay-je pas veu, respondit-il, qu’elle le mesprisoit plus qu’il ne se peut dire ? – Le mespris est beaucoup plus esloigné de l’amour que de la hayne, repris-je, et est bien plus esloigné de l’amitié que le mespris. – Il est vray, repliqua-t’il, mais c’est d’autant qu’il y a grande difference de l’amour à l’amitié, car l’amour est plus glorieux, et jamais ne se prend aux choses mesprisables, mais tousjours