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perdue pour vous ? - Mais toy-mesme, dit le chevalier, comment sçais-tu qu’elle ne le soit pas ? -- Permettez-moy, repliqua-t’il, de vous dire que je le puis mieux sçavoir que vous. Car, seigneur, quand vous me commandastes de luy porter vostre lettre, et la bague de Tersandre, et à la meschante Leriane le mouchoir plein de vostre sang, je les rencontray de fortune ensemble ; et quoy que la perfide et malheureuse qui est cause de vostre mal, demeurast immobile au message que je luy fis de vostre part, si est-ce que j’apperceus premierement paslir Madonte, puis trembler, et en fin voyant vostre sang, et oyant vostre mort, elle fust tombée de sa hauteur si on ne I’eust soustenue, tant elle fut surprise de douleur. Et si je vous eusse creu en vie, il n’y a point de doute que je vous en eusse apporté quelque bonne nouvelle. - 0 Halladin ! mon amy, dit le chevalier, que voilà une foible conjecture ! si tu cognoissois le naturel des femmes, tu dirois avec moy que ces changemens procedent plustost de compassion, que de passion ; car il est certain que naturellement toute femme est pitoyable, et que la compassion a une tres-grande force sur la foiblesse de leur ame, naturel que mal-aisément peuvent-elles si bien changer qu’il n’y en demeure tousjours quelque ressentiment. Et c’est de là d’où vient ce que tu as remarqué en Madonte. Mais, ô Halladin ! ce n’est ny pitié