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s’asseurast que j’estois tel que, quand il le sçauroit, il ne regretteroit point ny la peine, ny le temps qu’il y auroit employé, ne pouvant pour lors luy dire autre chose, sinon que j’estois des principaux des Aquitaniens. – Il est doncques Gaulois, luy repliqua-t’il, et non pas Visigot ? – II est vray, respondit Halladin, mais pour la nourriture qu’il a eu aupres du roy des Visigots, il est de sa maison. – Il me suffit, dit le bon druide, je voulois seulement sçavoir quelle estoit la croyance qu’il a du grand Dieu, parce que j’ay pris garde qu’il est grandement affligé, et soyez asseuré que pour le guérir, il faut commencer sa cure par l’esprit qui est offencé, n’y ayant pas grande apparence de luy guerir le corps, que la guerison de l’ame ne soit bien avancée. – A la verité, mon pere, vous l’avez tres-bien recogneu, reprit l’escuyer, car il est vray qu’il n’y eut jamais esprit occupé d’une si profonde melancolie, que celuy de ce chevalier, mais je ne croy pas qu’il y ait que deux medecins de ce mal. – Et quels pensez vous qu’ils soient ? adjousta le druide ; – L’un, dit l’escuyer, est Dieu qui peut tout faire, et l’autre la mort, qui peut tout defaire. – II faut donc, reprit le bon vieillard, que nous recourions à Dieu, et que nous le prions de le vouloir guerir, et qu’il luy plaise se servir de nous pour cette guerison.

Depuis ce temps le bon druide eut un si grand soing de moy, qu’il ne m’abandonnoit que le moins qu’il pouvoit, et un jour qu’il