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Mais, continua-t’il, vous, seigneur, par quelle fortune estes-vous venu en ce lieu, et quel est le Dieu qui vous a redonné la vie ? Et lors, joignant les mains ensemble, levant les yeux pleins de larmes au ciel : Que bien-heureux, dit-il, soit à jamais celuy duquel il s’est voulu servir pour une si bonne œuvre.

– Halladin, mon amy, luy dis-je, je te remercie de ce que tu as fait pour moy, et de ta bonne volonté, et je suis bien aise que tu ne m’ayes point nommé ; car je ne veux plus que les hommes sçachent que je sois au monde. Et quant à ce que tu me demandes, par quel moyen je suis venu icy, il faut l’apprendre d’autre que de moy, parce que j’en suis aussi ignorant que tu le sçaurois estre. Et toutesfois je te diray-bien, qu’encores que le Ciel m’ait conservé la vie contre mon gré, je ne laisse de l’en remercier maintenant que je puis sçavoir par toy des nouvelles de Madonte, Madonte que je supplie Dieu de vouloir conserver et à qui je souhaitte toute sorte de bon-heur et de contentement. – A Madonte, dit-il incontinent, vous souhaitiez du contentement et du bon-heur ? O Dieu ! est-il possible que vous soyez encores en cette erreur ? Vous avez, ce me semble, fort peu de subject de faire cette requeste pour elle, ny de vous en souvenir jamais, sinon pour la detester, et pour chercher les moyens de vous venger d’elle, de Leriane et de Tersandre ; mais cela, si j’estois en vostre place, je le ferois avec tant de volonté de leur desplaire, que je