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qui craignoit que la foiblesse ou la grandeur de mes playes m’empeschassent de parler : Mon enfant, continua-t’il, si vous ne pouvez me respondre pour quelque empeschement que vos blesseures ou quelque autre mal vous rapporte, faites m’en signe, et vous verrez qu’avec l’aide de Dieu, je vous en soulageray.

Alors reprenant un peu mes esprits, et pour obeyr à ce qu’il vouloit de moy, je m’efforçay de luy respondre d’une voix assez abbatue telles paroles : Mon pere, les blesseures du corps ne sont pas celles qui m’ont mis en l’estat où vous me voyez, mais celles que j’ay en l’ame qui, n’attendant autre guerison que celle que la mort a accoustumé de donner aux plus miserables, m’ont fait resoudre de chercher la fin de ma vie dans le creux d’une riviere, qui m’a esté tant impitoyable, qu’elle m’a refusé le secours qu’elle ne nya jamais à personne. Et ces choses sont celles dont je me ressouviens encore, mais je n’ay point de memoire, et c’est ce qui m’estonne, comment je suis hors du fleuve où je me jettay, et comment je me trouve maintenant en ce lieu et en vostre présence. – Mon enfant, repliqua le druide, je voy bien que vostre faute et la grace que Tautates vous a faite sont plus grandes encores que je ne pensois pas, car j’avois eu opinion que quelqu’un de vos ennemis vous avoit traicté de la sorte que vous estes et que le grand dieu vous en avoit voulu sauver.