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voulant plus vivre, puis que celle pour qui seule la vie m’estoit chere, m’avoit si cruellement trahy. En ce dessein, je prenois les chemins plus escartez, pensant que le sang venant à me deffaillir, à la fin j’acheverois cette malheureuse vie. Et avec ceste resolution, lors que je me sentis deffaillir, je commanday à Halladin mon escuyer de porter à Madonte, la bague que j’avois ostée à Tersandre, et à Leriane, ce mouchoir plein de sang. L’un pour monstrer à celle que j’aimois qu’elle avoit eu tort de preferer à moy une personne qui le meritoit moins, et l’autre, pour saouler s’il se pouvoit la cruauté de Leriane.

Je cogneus bien par la response qu’il me fit, que si par deffaillance je demeurois entre ses mains, il me porteroit en lieu où il me feroit guerir par de soigneux remedes en despit que j’en eusse. Cette cognoissance fut cause que me sentant deffaillir, je m’efforçay de gaigner la riviere de la Garonne, et de fortune en un lieu où la rive estoit si haute, et de plus si pleine de pointes de rochers qui s’advançoient, que je creus asseurement que me laissant aller en bas, je serois en pieces avant que je peusse donner dans l’eau. Mais mon fidele escuyer qui n’ostoit jamais l’œil de dessus moy recogneut mon dessein à mes yeux, comme je croy, qui demonstroient l’horreur de la mort prochaine, et pour m’en empescher, s’avança pour me retenir.

Voyez, madame, que c’est qu’un