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le mien, pour ne point descouvrir entierement mon mal. – Non, non, interrompit Galathée, il faut que nous sçachions et son nom et le vostre, comme la chose que nous desirons le plus. – Je vous diray donc, dit-il, que je m’appelle Damon, et elle, Madonte. – Comment ? reprit incontinent la nymphe, ce Damon qui a servy Madonte, fille de ce grand capitaine Aquitanien nommé Armorant, qui fut tué en la bataille d’Attila sur le corps du vaillant roy Thierry, et que Leontidas avoit prise pour la faire espouser à son nepveu ? Vous estes ce Damon qui poussé de jalousie, se battit contre Tersandre fort peu de temps avant la mort de Torrismond. – Je suis, respondit froidement le chevalier, ce mesme Damon dont vous parlez, c’est-à-dire, et le plus infortuné chevalier qui vive, et qui ayt jamais vescu. – Vous m’estonnez infiniment, dit-elle, car il y a long temps que chacun vous tient pour estre mort ; et de faict vostre escuyer n’apporta-t’il pas un mouchoir plein de vostre sang à vostre maistresse, où plustost à la meschante Leriane, pour tesmoignage de vostre mort ? – Il est vray, respondit le chevalier, avec un grand souspir, mais la fortune qui ne me vouloit pas tenir quitte à si bon marché, ordonna que je vivrois pour avoir encor un peu plus de loisir de me faire du mal. – Vrayement, dit la nymphe, il y en a plusieurs de bien trompez, car l’opinion de vostre mort est telle par toutes ces