Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/524

Cette page n’a pas encore été corrigée

contrée. Vous avez bien satisfaict à l’une de nos requestes en vous laissant voir, mais l’arrivée de la sage Cleontine vous a empesché de satisfaire à l’autre partie de nostre demande, et toutesfois, si vostre combat nous avoit faict desireuses de voir vostre visage, vous devez croire que la veue que vous nous en avez permise nous a augmenté l’envie d’entendre qui vous estes, afin de sçavoir à qui nous avons tant d’obligation, et quel subject vous a faict venir icy, pour vous y servir, si nous en avons le moyen. Maintenant que nous sommes de loisir, et qu’il ne faut craindre que le parler puisse nuire à vostre blesseure, nous vous redemandons l’accomplissement de ceste debte. – Je n’avois jamais ouy dire, madame, respondit le chevalier en sousriant, que demander quelque chose à une personne, l’obligeast de la donner. – Sortez en cela d’erreur, repliqua la nymphe, car il faut que vous sçachiez, seigneur chevalier, que c’est un particulier privilège des dames de ceste contrée, et vous sçavez bien que l’on est obligé aux lois du pays où l’on se trouve. – II est vray, madame, dit-il, mais la difficulté que j’en fais n’est point, sans raison, ne me pouvant imaginer que ce vous soit chose agreable d’ouyr la miserable fortune du plus desastré chevalier qui vive, si toutesfois on doit appeller vivre, de trainer ses jours entre toutes les infortunes et les miseres qu’un homme puisse jamais rencontrer. – Vous ne devez