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quelque chose, reformez-la en sorte que cela ne se commette plus. En fin, jettez l’œil sur toute la contrée, et avec diligence vous informez des abus qui s’y commettent, pour chastier ceux qui en sont les autheurs, car l’estat ou le vice demeure impuny, et la vertu sans loyer, est bien tost désolé. Sçachez, madame, que le prince et son Estat ne font qu’un corps duquel le prince est la teste, et comme tout le mal que le corps ressent, luy vient de la teste, de mesme tout le mal que souffre la teste luy procede du corps. Je veux dire aussi que comme Tautates chastie le peuple pour les fautes que commet le prince, de mesme il punit le prince pour celles que son peuple commet. Voilà, madame, le conseil que je vous puis donner, et lequel je ne vous ay peu taire pour le deub de la vacation que je fais.

Galathée remercia avec beaucoup de courtoisie la sage Cleontine, et luy promit de non seulement penser souvent à ses prudentes remonstrances, mais de les representer encores à Amasis, afin de les ensuivre. Et apres, elle adjousta que l’accident qui venoit de luy arriver la troubloit beaucoup ; car, outre la mort d’Argantée, l’insolence, de Polemas en sa presence luy estoit si desplaisante, qu’elle en estoit blessée bien avant dans l’ame. – Madame, luy respondit Cleontine, il faut bien souvent excuser les premiers mouvemens, car ils ne sont pas en nostre puissance, et si nous ne supportons entre nous les deffauts de l’humanité, comment voulons-nous que Tautates nous les supporte ? – Mais, dit Galathée, contre un estranger, et qui avoit raison, et puis en ma presence ? Croyez, ma mere, que c’est une hardiesse qui procede