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ce vain tombeau duquel je vous parle. – Comment, reprit Galathée, lors qu’il se noya, le corps aussi se perdit, et depuis l’on ne l’a jamais retrouvé ? – Jamais, madame, dit Cleontine, l’on n’en a peu sçavoir nouvelle, et il ne faut pas croire que tous les bergers d’alentour n’y ayent usé de toute la diligence qu’il estoit possible, car il n’eut jamais berger en ceste contrée mieux aimé. Aussi véritablement il le meritoit, et s’il eust eu le bon-heur d’estre cogneu de vous, madame, je m’asseure que vous en eussiez faict le mesme jugement. Et à ce que je puis scavoir, il y avoit fort long-temps que ce berger servoit Astrée, mais si discrètement que personne ne s’en estoit apperceu ; et cela d’autant moins qu’il y avoit fort peu d’apparence qu’il y deust avoir je l’amour entr’eux, à cause de l’inimitié qu’il y avoit de long-temps entre leurs peres. Et d’autant que l’amour qui est couvert est beaucoup plus violente, il y a de l’apparence que la leur la devoit estre, tant pour ce sujet que pour le merite du berger et de la bergere, car je vous puis bien dire, madame, avec toute verité, que je ne vis jamais rien de plus beau ny de plus accomply que ceste fille. Or Phocion qui est son oncle, et qui comme son plus proche parent en a le soing, veut maintenant la marier à Calidon : il est veritablement bien gentil berger, mais il y a tant de difference de luy à Celadon qu’il n’y a pas apparence que la bergere y puisse consentir,