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voir sa blesseure, prit garde qu’elle alloit tousjours saignant, qui fut cause qu’elle dit à Galathée : Prenez garde, madame, que vos discours ne soient trop longs pour ce chevalier, car il perd beaucoup de sang. Alors elles s’approcherent toutes de luy, et presque par force, apres luy avoir destaché le brassai gauche, luy banderent sa playe qui n’estoit pas grande, avec leurs mouchoirs, et luy firent une escharpe pour luy soulager le bras avec, leurs voiles, et après luy remirent le brassal, comme il souloit estre.

Alors Galathée fut d’avis, puis que l’on ne voyoit point revenir leurs chariots, de s’en aller au petit pas à Mont-verdun, où elles les pourroient attendre avec commodité, se doutant avec raison qu’ils se fussent rompus dans quelques précipices. Et parce que le chemin estoit court et fort beau, toutes les nymphes appreuverent ce qu’elle avoit proposé, et ainsi le chevalier la prist d’un costé sous le bras, et Silvie de l’autre, pour l’aider à marcher. Toutes les autres la suivoient, sans parler d’autre chose que de la valeur et du merite de l’estranger ; les unes louoient son combat, les autres blasmoient l’outrage qu’on luy avoit voulu faire ; quelques unes admiroient son asseufance, et quelques autres ne pouvoient assez estimer la deffence qu’il avoit faite pour son cheval mort, et celle qu’il avoit voulu faire du Corps d’Argantée. Mais toutes desiroient passionnement de sçavoir qu’il estoit, tant la valeur a