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Chapitre 4

Ces paroles furent suivies de plusieurs souspirs, qui en fin changez en sanglots, furent accompagnés d’un torrent de larmes, qui coulant le long de son visage s’alloient mesler avec l’eau de la fontaine. Quelque temps apres, s’estendant du tout en terre, et laissant aller negligemment les bras, il devint pasle, et le visage luy changea ; de sorte que son escuyer qui avoit tousjours l’œil sur luy, le voyant en cet estat, de peur qu’il n’évanouyt, y accourut promptement, le mit en son giron, et luy jetta un peu d’eau au visage, si à temps que n’ayant du tout perdu la cognoissance et les forces il revint plus aisément en luy-mesme. Mais ouvrant les yeux, et les haussant lentement contre le ciel : O dieux ! dit-il, combien vous plaist-il que je languisse encores ? Et puis relevant les bras, il joignit les mains sur son estomach, que ses yeux noyoient d’une si grande abondance de larmes, que son escuyer ne se peut empescher de souspirer. De quoy s’appercevant : Et quoy ? Halladin, luy dit-il, tu souspires ! ne sçais-tu pas qu’il n’y a personne au monde à qui il doive estre permis qu’à moy, si pour le moins cette permission doit estre donnée au plus miserable qui vive ? - Seigneur, respondit l’escuyer, je souspire à la verité, mais plus pour voir un si grand changement en vous, que pour le desastre que vous plaignez. Car estre trompé d’une femme, estre trahy d’un rival, que la vertu s’acquiere