Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/508

Cette page n’a pas encore été corrigée

celuy de Polemas et de l’escuyer de l’estranger, prenant le frain aux dents, s’en allèrent jusques dans la ville de Boen, sans que ny ponts, ny passages estroits les en peussent empescher. Ceux qui estoient attelez aux chariots en eurent une si grande frayeur, qu’en despit des cochers ils se mirent en fuite, et ne s’arresterent qu’à plus d’une lieue de là, sinon ceux qui verserent, lesquels encores ils trainerent tous versez de telle furie qu’ils les mirent presque du tout en pieces, et les rouages et attellages des autres furent si’ mal traitiez, qu’il leur fut impossible de les ramener de ce jour-là. Quant à Argantée, on l’avoit mis à cheval, mais il luy fut impossible de s’y pouvoir tenir dessus, ayant esté abandonné de tous ceux qui le tenoient, de sorte qu’aux premiers eslans que le cheval fit, il tomba à terre, si malheureusement pour luy qu’il se tordit le col. Ainsi finit le plus glorieux et arrogant chevalier de toute la contrée, et son cheval, de fortune, venant de frayeur heurter l’estranger, il se donna, sans qu’il y pensast, de l’espée dans le corps, et alla tomber mort auprès de son maistre.

La nymphe loua Dieu de ceste rencontre, car elle sçavoit bien que le lyon ne luy feroit point de mal, estant enchanté de telle sorte qu’il ne pouvoit offenser personne, sinon ceux qui vouloient espreuver l’avanture. Et toutesfois, peu apres, elle ne fut pas sans crainte, car le lyon qui n’estoit