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la commune hauteur de ceux du pays, et tellement bien proportionné de tout le reste du corps, qu’il estoit aisé à juger qu’il estoit de grande force, et de grand courage. Il avoit recherché fort long temps une des nymphes de Galatée, et qu’il fust vray ou non, tant y a qu’il s’estoit figuré d’estre aimé d’elle ; elle se nommoit Silere, tres belle et tres-bien apparentée. Mais lors qu’il voulut la presser de quelque tesmoignage de bonne volonté, et qu’elle refusa de luy en donner, suivant son humeur outrecuidée, il voulut user d’une certaine authorité sur elle, qu’elle ne peut trouver bonne, et choisit plustost de rompre entierement d’amitié avec luy, que de supporter plus long-temps son arrogance. Luy, qui se vid tout à coup trompé de son esperance, entra en si grande colere contr’elle qu’il en conceut une haine incroyable contre toutes les femmes, et depuis ce temps ne cessa d’en dire tous les maux qu’il se pouvoit imaginer :

Argantée donc, suivant sa coustume, s’approchant plein d’arrogance du chevalier, sans le saluer et sans faire action de civilité : Est-ce pour moy, luy dit-il, chevalier, ce que tu viens de chanter ? L’estranger qui n’estoit guere endurant de son naturel et desja fort mal satisfait de luy : Fay, luy dict-il, tout ainsi que si c’estoit pour toy. – Je voy bien, adjousta Argantée, et à tes armes et à ton langage que tu es estranger, car si tu