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V

Cesse donc une fois, cesse donc de te plaindre
Soit pour jamais ton feu dans le despit estaint ;
Si tu plains toutesfois, plains-toy de t’estre plaint,
Et d’évanter ton feu quand il le faut esteindre.

Ces vers furent chantez si haut et si clairement que celuy qui en avoit esté cause, les ayant bien entendus, ne peut croire qu’il n’eussent esté dits contre luy. Et parce que c’estoit l’un des plus audacieux chevaliers de toute la contrée, il en conceut un si grand despit que sans attendre plus longuement, se laçant le heaume, car il estoit armé de tout le reste, il s’en vint à travers les arbres où il avoit ouy la voix. L’autre qui attendoit de voir quel ressentiment il feroit de ceste response, soudain qu’il l’ouyt venir, prit aussi son habillement de teste, et s’appuyant sur son gesse, l’attendit, résolu, s’il ne se ressentait de ces paroles, d’y en adjouster de telles, qu’il luy peust donner subject de venir au combat. Mais l’arrogance de celuy contre lequel il avoit affaire estoit telle qu’il ne faloit pas beaucoup de peine pour le faire venir aux mains, tant pour la confiance qu’il avoit en sa force et en son adresse, que pour estre nepveu de Polemas, l’autorité duquel estoit tellement accreue depuis le depart de Clidaman et de Lindamor, qu’il luy restait fort peu pour se rendre seigneur absolu des Ségusiens.

Ce chevalier s’appelloit Argantée, surpassant de sa taille