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ces delectables collines, s’eslargissoit du costé de Surieu, de Mont-rond et de Feurs, avec tant de petits ruisseaux et de divers estangs que la veue ainsi diversifiée en estoit beaucoup plus plaisante. Et parce que le chemin qu’il, avoit pris le conduisait à Marcilly, y ayant la teste tournée, ce fut aussi le premier lieu où il jétta les yeux. Ce chasteau relevé sur la poincte d’un rocher et qui se faisoit voir de fort loing, remit incontinent en sa memoire le lieu où la premiere fois il avoit veu Madonte ; car sa grandeur, ses tours et la somptuosité du Bastiment avoit beaucoup de ressemblance avec le lieu où elle souloit demeurer. Ce souvenir luy remit devant les yeux les agréables journées qu’il avoit passées aupres d’elle et les extremes ennuis qui l’avoient accompagné depuis sa dis-grace. Et par ce que ceste comparaison ne se pouvoit faire sans apporter un grand trouble en son ame, ce pauvre chevalier fut enfin contraint de mettre pied à terre au premier ombrage qu’il rencontra, où laissant son cheval entre les mains de son escuyer, il s’alla estendre sous un arbre, et haussant les yeux au ciel, demeuroit de sorte ravy en ceste pensée qu’il me voyoit ny n’oyoit chose quelconque qui se fit autour de luy.

L’escuyer qui aimoit passionnément son maistre, et qui ressentoit jusques en l’ame la miserable façon de vivre de ce chevalier, maudissoit en son cœur et l’amour et