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fontaine qui estoit à l’entrée du Temple, le chevalier voulant mettre pied à terre, l’autre qu’il jugea estre son escuyer, courant promptement, luy tint l’estrieu, et print son cheval, que débridant, sans respect du lieu, il laissa paistre l’herbe sacrée. Cependant le chevalier se coucha aupres de la fontaine, ou s’appuyant d’un coude, et s’estant deffait de l’autre main son heaume, prit deux ou trois fois de l’eau dedans la bouche, et s’en rafreschit et lava le visage. Paris le voyant desarmé, creut que son intention n’estoit pas de faire du mal à personne, et cette opinion luy donna la hardiesse de s’en approcher d’avantage, se cachant toutesfois le plus qu’il pouvoit dans l’espaisseur des arbres, entre lesquels il vint si pres d’eux, qu’il pouvoit voir et ouyr tout ce qu’ils faisoient et disoient. D’abord il remarqua que ce chevalier estoit jeune et beau, quoy qu’il parut en son visage une extreme tristesse, et apres, considerant ses armes, il jugea qu’il estoit Gaulois, n’estans gueres differentes de celles qu’il avoit accoustumé de voir, et de plus, qu’il estoit amoureux, car il portoit d’argent à un tygre, qui se repaissoit d’un cœur humain, avec ce mot.

Tu me donnes la mort, et je soustiens ta vie.

II eust peut-estre regardé toutes ces choses plus longtemps et plus particulierement, s’il n’en eust esté empesché par les souspirs de ce chevalier,