Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/484

Cette page n’a pas encore été corrigée

raconter tant de choses de sa prudence, que je n’en croye encores davantage, mais cela ne conclud pas que nous fassions luy et moy un mesme jugement. Et quoy que le sien puisse estre le meilleur, il y faudra bien du temps à m’y faire consentir, et pour dire le vray, je croy que si ce sage pasteur sçavoit les choses que j’ay dans l’ame, il laisserait bien tost cette opinion. Et c’est ce qui me faict vous supplier de vouloir changer la vostre, car si vous la continuez, outre que vous n’y avancerez rien, encore n’en retirerez-vous que du mescontentement et pour vous et pour moy. – Les belles, reprit Calidon, sont comme les dieux, elles veulent estre vaincues par supplications. – Je ne sçay, dit-elle incontinent, quelles sont les belles, mais si sçay bien que vos paroles, ny vos prieres envers moy ne vous acquerront jamais chose qui vous soit agreable pour ce sujet. – Peut-estre, adjousta-t’il, quand vous me verrez mourir devant vos yeux, vous n’aurez pas tant de cruauté que la pitié ne puisse trouver place parmy tant de beautez.

– Si vous continuez, respondit Astrée, vous me ferez croire que vous pensez encor parler à la belle Celidée. Mais voyez-vous, Calidon, et vous et moy meritons mieux, car il n’est pas raisonnable que nous ayons le reste de quelqu’autre, et plustost que cela fust, je vous dis franchement que pour vous en divertir je prendrais la resolution de Celidée.