die que cette belle fille a eu tort de vous traicter ainsi, et moy qui ne veux vous desplaire, pour quelque consideration que ce soit, je ne veux pas le dire, mais si feray bien avec vostre permission, que jamais elle n’acquerra chose de si grande valeur que celle qu’elle a perdue et que si Belenus, par une particuliere faveur, me mettoit en sa place, tout le reste du monde ne me seroit rien au prix de cette faveur, laquelle j’essayerois de conserver, non seulement avec le soin et la peine, mais avec le sang et la vie.
– Ah ! belle bergere, dit Alexis en souspirant, ce seroit à moy quand ce bon-heur m’arriveroit à qui ce soin devroit estre reservé ; mais croyez-moy, ma belle fille, que vous ne sçavez ce que vous demandez quand vous desirez mon amitié. – J’avoue, madame, ce que vous dites, respondit Astrée, mais cela d’autant que le bien que je recherche est si grand, qu’il ne peut estre compris de la foiblesse de mon entendement. Mais si ce n’est mon peu de merite, qu’est-ce qui vous peut empescher de me faire cette grace, puis que j’appelle Belenus pour tesmoing ; que si je l’obtiens de vous, je la conserveray plus cherement que ma vie ? Je dis cette vie qui ne me peut estre que des-agreable, si je suis refusée, et que très-heureuse si vous m’en jugez digne.
Alexis alors, toute pleine de contentement, luy prenant la main et la luy serrant un peu : Belle bergere, luy dit-elle, souvenez-vous