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ma naissance, ne me veut pas estre si favorable au cours de ma vie.

– Belle bergere, dit alors Alexis, je vous supplie, si vous ne voulez me desobliger grandement, n’accusez jamais de deffaut cette belle et tres-sage fille pour m’avoir traitée de cette sorte, car je ne puis souffrir sans un extreme desplaisir qu’elle reçoive du blasme de ce qu’il faut seulement accuser mon defaut, et le mauvais astre sous lequel je suis née. Et quant au desir qu’il semble que vous ayez d’entrer en sa place, c’est moy, belle Astrée, qui le devrois souhaiter et rechercher avec toute sorte d’artifice, mais une seule chose m’en empesche. Et croyez-moy que si ce n’estoit cette considération, mes désirs surpasseroient les vostres. Mais, belle bergere, je crains que, encores que d’abord vous me fassiez le bien de me juger digne de vostre amitié, lors que vous m’aurez plus particulierement recogneue, vous n’en fassiez un jugement tout contraire et qu’il ne vous convie à me traicter de la mesme sorte que cette belle et sage fille de qui je regrette la perte avec tant de desplaisir. Et si cela m’arrivoit, je ne sçay ce que je deviendrois, pouvant dire avec verité que je suis si foible à semblables coups, que je ne sçay comme la vie m’est demeurée après les avoir receus. Et puis qu’il a pleu au, grand Tautates que je les aye supportez, j’avoue que la crainte de retomber en un semblable inconvenient me fait toute fremir et me glace le cœur.

– Il ne vous plaist pas, madame, reprit Astrée, que je