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bien asseurée que je ne me trompay point en mon choix, estant estimée telle de toutes nos compagnes, et ayant toutes les conditions qui se peuvent desirer pour se faire aymer. Elle estoit belle et née de l’une des principales maisons de la Contrée, elle avoit l’esprit semblable à la perfection du corps, accomplie en toutes ses actions, de toute sorte de courtoisie et de civilité. Mais il faut que j’advoue qu’apres avoir commencé d’aymer ceste fille, ce qui me lia par après si estroictement avec elle fut l’opinion qu’elle m’aimoit ; il est vray que ceste cognoissance vraye ou fausse redoubla de telle façon l’amitié que je luy portois que je me donnay entierement à elle. Je dis, de telle sorte que je ne pouvois vivre sans elle, ny elle, à ce qu’elle me disoit sans moy. Nous vesquismes ainsi plusieurs années avec tant de contentemens, et tant de satisfactions l’une de l’autre, que jamais l’on ne peut remarquer dans l’enfance où nous estions, que la plus parfaicte amitié de l’aage le plus parfaict. Mais cependant que plus satisfaicte de ceste fortune que les plus grands monarques ne sont de posseder toute la terre, j’allois jouissant de mon bonheur, ne voilà pas que ceste belle et tant aymable fille me quitte et se separe de telle sorte d’amitié d’avec moy qu’elle ne me veut plus veoir, et sans m’en dire le subject, me hayt et me chasse d’auprès d’elle ? Le sursaut que je receus de ce changement fut si