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retenir. Astrée qui remarqua en elle un si grand changement, demeura de son costé fort estonnée, ne s’en pouvant imaginer le subject, et ne luy semblant pas que ce qu’elle luy avoit dict luy peust desplaire, et en cette peine ayant demeuré toutes deux quelque temps sans parler, enfin la bergere fut la premiere à reprendre ainsi la parole : Je vous voy, madame, tout à coup si fort changée qu’il m’est impossible de n’en estre en peine, car si j’en estois la cause, ou par mes discours ou autrement, je vous jure la foy que je vous doibs comme à la chose du monde que j’aime et que j’honore le plus, que je vous en vengerois bien tost. Que si je ne la suis pas, dites-moy, je vous supplie, si ma vie y peut remedier, et vous verrez que je n’ay rien de si cher que vostre service.

Alexis qui recogneut la faute qu’elle avoit faicte, se reprenant, essaya de la cacher au mieux qu’il luy fut possible, et pource elle luy dit en souspirant : II est vray, belle bergere, que le changement que vous avez remarqué en mon visage est procedé de vous, et toutesfois vous n’en avez point de coulpe, mais seulement mon ame trop sensible au souvenir que vous luy avez donné par vos paroles. Et afin que vous sortiez de peine, il faut que vous sçachiez qu’estant nourrie parmy les vierges druides des Carnutes, dans tout le grand nombre qu’il y en a, je fis eslection d’une, qui entre toutes me sembla la plus aymable, et je suis