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qui vaut si peu, et qui est si malheureuse, ait quelque chose qui mérite ou qui soit capable de recevoir une si grande faveur. – Belle bergere, respondit Alexis, outre que je ne mens jamais, croyez que j’eslirois plustost la mort que d’estre menteuse à vous que j’ayme si fort, et qu’avant que je vous esloigne, vous cognoistrez la verité de mes paroles. – Vous plaist-il, madame, que je le croye de ceste sorte ? – Non seulement, dit Alexis, il me plaist, mais je vous en supplie de tout mon cœur. – Promettez-moy donc, dit Astrée, que vous avez agreable que je demeure le reste de ma vie aupres de vous, et si vous le faites, vous me rendrez la plus heureuse et contente fille de l’univers. – Astrée, dit Alexis, en luy mettant une main sur la sienne, j’ay peur que vous ne vous repentiez bien tost de cette resolution. – Si vous recognoissiez, dit la bergere, l’humeur d’Astrée, vous ne croiriez pas, madame, que cela peust arriver car j’ay ce naturel de jamais ne changer une resolution quand je l’ay prise.

Alexis alors demeura sans parler, et se retirant d’un pas, la regardoit avec le mesme œil qu’elle avoit lors qu’elle luy commanda de ne se faire jamais voir à elle, et cette pensée luy remit si vivement devant les yeux tout ce qui s’y estoit passé, qu’il luy fut impossible de n’en donner quelque cognoissance par les larmes qui luy vindrent aux yeux, et que toutesfois elle eut encores assez de force pour