Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/465

Cette page n’a pas encore été corrigée

cette conclusion, et peut-estre Hylas eut respondu quelque chose, n’eust esté qu’Astrée prit la parole : Mais, dit-elle, mon pere, s’il est vray que l’amour vienne de cette sympathie, que veut dire que l’on aura veu fort long-temps une personne sans l’aimer, et qu’apres l’on l’aime ? – La response, dit Adamas, que j’ay faite à Hylas, peut servir à cette demande. Au commencement cette personne n’avoit pas encore le caractere de la beauté de cette intelligence, et depuis par une nouvelle marque, comme d’un cachet nouveau, il le peut avoir imprimé.

Mais en voicy encore une raison assez claire : Depuis que l’ame est enveloppée de ce corps que nous avons, tant qu’elle y est enfermée comme dans une prison, elle n’entend ny ne comprend chose quelconque que par les sens, par lesquels, comme par des portes, luy vient la cognoissance de tout ce qui est en l’univers. Et non seulement elle n’entend ny ne comprend que par eux, mais encores ne peut ny entendre ny comprendre que par des representations corporelles, quoy qu’elle contemple les substances incorporelles. Il advient de là qu’elle ne peut avoir sa cognoissance qu’autant parfaicte que ses sens la luy peuvent representer, et que s’ils sont faux et trompeurs, ils la déçoivent, et luy font faire un jugement faux, comme nous voyons en ceux qui sont malades qui trouvent les