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pour en avoir si peu’de ressemblance, et de là procede cette amour par sympathie qui n’est pas mutuelle.

– Mais, interrompit Hylas, me permettez-vous, mon pere, de vous faire une demande ? – Vous le pouvez, respondit Adàmas. – Si ces amours viennent par sympathie, d’où vient, dit Hylas, qu’après avoir aymé quelque chose, l’on cesse quelquesfois de l’aimer, et que mesme on la méprise et, que bien souvent on la hait ? – Ceste demande, respondit le druide en sousriant, est propre à Hylas, et vous voyez qu’il est vray que cette sympathie est un instinct aveugle, puis que Hylas, aymant et cessant d’aymer un mesme subject, toutesfois il ne sçait pourquoy il le faict ainsi. Or je le vous diray, Hylas, afin qu’à l’avenir vous sçachiez la raison des choses que vous pratiquez si bien.

Figurez-vous, Hylas, que les impressions que l’ame faict en son corps, par lesquelles elle se represente cette beauté superieure de son intelligence, et de sa planette, sont veritablement corporelles. Car en la fantaisie, elle met les lineamens comme un amant en son imagination ceux de la chose bien-aymée, et les represente de telle sorte en ses sens, et en sa complexion, qu’elle rendra son humeur melancolique, si elle tient de Saturne ; ou joyeuse, si c’est de Jupiter, et ainsi des autres. Et apres, comme nous avons desja dit, elle prend une si grande coustume de contempler, et