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ceux que nous aimons le plus.

A ce mot le druide s’estant teu, Daphnide reprit ainsi : J’advoue, mon père, que tout à coup vous m’avez esclaircy plusieurs doutes ; mais si en ay-je encor un, sur ce que vous venez de dire, qui n’est pas petit, et duquel je voudrois bien avoir la resolution. S’il est vray que l’amour vienne de ceste ressemblance que je rencontre en celuy que j’ayme, d’où vient que de mesme par ceste mesme ressemblance, il ne m’ayme pas ? Car si je l’aime pour ceste sympathie, et si ceste sympathie vient comme vous dites, il est impossible que j’en aye pour luy, qu’il n’en ayt pour moy. Je veux dire que, si je suis née sous sa planete, qu’il ne soit né aussi sous la mienne. Et toutesfois nous en voyons tant qui n’aiment point ceux qui meurent d’amour pour elles.

– Vostre doute, respondit Adamas, merite d’estre esclaircie et monstre bien qu’elle part d’un esprit tel que celuy de Daphnide. Sçachez donc, madame, que comme je vous ay dit, l’ame se faict une image la plus parfaicte qu’elle peut de cette planette, et de cette intelligence qu’elle aime. Mais d’autant que pour representer un visage si beau et si parfaict, la matiere est de telle sorte inferieure qu’elle ne le peut faire que fort imparfaictement, il s’ensuit que ceste representation n’est pas egalement parfaicte en chacun, parce que la matiere du corps est quelquesfois