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de telle sorte son jugement à y porter la volonté, qu’enfin ce decret se donne non point par discours de raison, mais tout ainsi que toutes les autres choses qui se font en nous naturellement ; voire mesme cette coustume se rend enfin une habitude, à laquelle nous ne pouvons contrevenir sans nous faire un très grand effort.

De là avient qu’aussi tost que nous jettons les yeux sur quelqu’un, s’ils rapportent à nostre âme, comme de fideles miroirs, qu’il y ait en cette personne quelque chose qui ressemble à cette image, que nous nous sommes faictes de la planete de l’intelligence tant aimée, nous l’aimons tout incontinent, sans faire en nous-mesmes autre discours, ny autre recherche de l’occasion de ceste bonne volonté, y estant portez par un instinct qui se veut dire aveugle, et au contraire, nous le hayssons si nous trouvons qu’il en soit différent. Et c’est ce que l’on nomme sympathie, qui est cette conformité que nous rencontrons d’avoir les uns avec les autres, et laquelle est la veritable source de l’amour, et non pas comme plusieurs ont creu que ce fust toute beauté ; car si la beauté estoit la source de l’amour, il s’ensuivroit que toutes les belles personnes seroient aimées de tous. Et au contraire, nous voyons-que non point les plus beaux et les plus dignes, mais ceux là seulement qui reviennent le plus, à, nostre humeur, et avec lesquels nous avons le plus de conformité, sont