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beaucoup de plaisir les petites disputes de ces gentils bergers et belles bergeres, et admiroient que ces esprits nourris et eslevez parmy les bois et les lieux champestres, fussent si polis et si civilisez. Mais parce que Daphnide avoit un esprit curieux, et qui desiroit tousjours d’apprendre quelque chose, s’addressant au sage Adamas : Il me semble, mon pere, luy dit-elle, que pour separer ces deux amis ennemis (elle avoit sceu qu’on leur donnoit ce nom), et pour m’oster d’une ignorance, et satisfaire à une curiosité, où j’ay vescu il a y long temps, vous pourriez bien nous dire que c’est que ceste sympathie de laquelle ils ont parlé, et si veritablement il y en a une qui fasse aimer ; et par ainsi vous nous donneriez tout à coup deux sortes de viandes : l’une pour le corps, l’autre pour l’esprit. – Madame, respondit Adamas, vostre curiosité est louable, et si je n’y satisfaisois, je serois à blasmer, tant pour n’obeyr à ce qu’il vous plaist de me commander, que pour ne vouloir instruire ceux qui le désirent, ainsi que ma charge m’y oblige. Et cela d’autant plus que je le puis faire aisément et en peu de paroles.

Sçachez donc, madame, que Tautates, le supreme créateur de toutes choses, a estably là haut où est sa principale demeure, le lieu où il crée toutes les ames, et parce qu’il n’y a pas apparence que rien parte de la main d’un si bon ouvrier qui ne soit en sa perfection, et celle de l’ame estant l’entendement, il la rend, outre que par sa