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opinion l’amour que je demande.

Silvandre qui estoit là auprès et qui ne cherchoit que l’occasion de s’entremettre aux discours de Diane : L’admiration, interrompit-il, feroit le contraire effect de ce que tu desires. – Et pourquoy cela, dit Hylas, puis que si elle m’admiroit, elle croiroit en moy toutes choses grandes et parfaites, et lors que je luy parlerois je luy serois un oracle ; mes prieres luy seroient des loix, et mes volontez des commandemens. – L’admiration, reprit alors Silvandre, feroit un effet tout contraire, parce que les plus sçavans disent que l’admiration est la mere de la verité, et cela, d’autant qu’admirant quelque chose, l’esprit de l’homme est naturellement poussé à rechercher d’en avoir la cognoissance, et cette recherche fait trouver la verité. Et ainsi, Hylas, quand tu dis qu’elle t’admirerait, tu dis de mesme, Qu’elle essayerait de te cognoistre, et te cognoissant, elle trouveroit que si elle avoit estimé quelque chose en toy, elle s’estoit trompée, et alors en te méprisant, elle admireroit de t’avoir admiré. – Et toy aussi, berger, répondit Hylas, tu es un de ces esprits, que si tu estois fille, je n’aymerois jamais. Mais quoy que tu sçaches dire, si suis-je encores en la mesme opinion ; car celuy qui admire, cependant qu’il est en ceste admiration, n’est-il pas vray qu’il estime infiniment ce qui la luy donne ? – Il est vray, dit Silvandre, mais incontinent apres il change quand il vient à la cognoissance de la verité. – Or, reprit