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par une surprise que luy firent les merites et les recherches de ce berger, de sorte que jamais la bonne volonté qu’elle eut pour Paris n’outrepassa celle qu’une sœur pourroit avoir pour un frère, luy semblant d’estre obligée à celle-là par l’amitié qu’elle luy portoit et empeschée par une vertu incogneue de l’aymer davantage que comme son frère, et qu’en son, cœur elle attribuoit à l’amour qu’elle avoit portée au gentil Filandre. Luy toutesfois, de qui l’affection n’avoit point de limites, pour luy avoir rendu tous les tesmoignages de son amour qui luy avoient esté possibles, il se résolut de tenter enfin quelle seroit sa fortune, et trouvant cette occasion bonne, il pensa qu’il ne la falloit point perdre.

La tenant donc sous les bras, il la separa un peu d’auprès des autres, et cependant que chacun s’amusoit à diverses occupations, il luy parla de cette sorte : Est-il possible, belle Diane, que quelque service que j’aye essayé de vous rendre, n’ait peu vous donner cognoissance de l’affection que je vous porte, ou si vous l’avez recogneue, est-il possible que cette amour soit demeurée jusques icy sterile, et sans avoir peu donner naissance à un peu de bonne volonté en vostre ame ? Si l’offence fait naistre la hayne, pourquoy mes services, encores que bien petits, ne produisent-ils en vous non pas de l’amour, car ce seroit trop de bon-heur, mais quelque peu de bien-veillance, qui vous les rende