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vous parle plus clairement, que le mal present vous tourmente, voyant qu’un autre a vostre place auprès de vostre maistresse, ou le bien absent, car je sçay que vous aimez Madonte.

– Vous estes, dit Silvandre, sage bergère, une grande devineuse, car l’une des deux choses que vous me dites véritablement me tourmente, mais toutesfois, dit-il en sousriant, non pas peut-estre tant que vous penseriez bien. – Quelquefois, dit Laonice, en semblable mal l’on ne pense pas estre si malade que l’on est ; mais à bon escient, Silvandre, lequel de ces deux maux vous presse le plus ? – Lequel, dit le berger, pensez-vous que ce soit ? – Je ne sçay, dit Laonice, si je vous en dois dire mon opinion, car peut-estre ne l’avouerés-vous ? – Si c’estoit une faute que d’aymer, je confesse que difficilement j’en advouerois la debte, mais puis que pour ne faire tort à tous les hommes (car je croy qu’il n’y en a point qui n’ayt aimé quelquefois) il faut plutost dire que c’est une vertu, ou pour le moins une action qui de soy-mesme ne peut estre ny bonne ny mauvaise. Pour quoy pensez-vous que je fasse difficulté de dire la vérité, puis qu’en la nyant je commettrois une plus grande erreur ? – Vous avez raison, berger, respondit Laonice, car toute personne qui veut estre estimé homme de bien, doit sur tout estre soigneuse de ne blesser jamais la verité. Mais dites moy, en vostre foy, Silvandre, le bien absent ne vous tourmente-t’il