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qu’il n’y avoit plus personne sans party que Silvandre.

Mais Laonice qui avoit toujours nourry un esprit de vengeance contre luy, et qui ne cherchoit que l’occasion de luy pouvoir rendre un signalé desplaisir, depuis le jour que par son jugement elle perdit Tircis, le voyant seul, pensa que peut-estre elle pourroit en trouver quelque moyen. Elle sçavoit desja l’affection qu’il portoit à Diane, et celle de Diane envers luy ne luy estoit pas du tout incogneue, parce qu’ayant tant aimé, il estoit impossible qu’elle ne se prist garde de leurs actions, et mesme en ayant appris ce qu’en diverses fois elle en avoit ouy de leur bouche mesme. C’est pourquoy le voyant seul et pensif, elle s’approcha de luy, et feignant un visage tout autre qu’elle n’avoit le cœur : Que veut dire, berger, cette tristesse, dit-elle, qui est peinte en vostre visage ? estes-vous peut-estre amoureux ? – Bergère, respondit Silvandre ; j’ay tant d’occasion d’estre triste qu’il ne faut point me demander si l’amour en est la cause. – Je croy, adjousta-t’elle, que ce ne sont pas des nouvelles occasions, et toutesfois ces jours passez vous viviez plus content, mais voulez-vous que je vous die ce que j’en pense ? Le sujet de vostre melancolie vient ou du mal present, ou du mal absent. – Si vous ne m’expliquez d’autre sorte cet enigme, dit le berger, je ne scay que vous respondre. – Je veux dire, reprit Laonice, puis que vous voulez que je