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de la vertu avoit quelque force en ces bergers, Calidon que je vois là sans party, et vous regarder avec un oeil qui vous demande l’aumosne, en feroit autant que moy.

Astrée baissa les yeux en terre, craignant que pour peu que ce discours continuast, ce jeune berger pourroit bien imiter Hylas, et qu’ainsi d’une faute elle en auroit fait deux. Mais Hylas, qui print garde à cette mine, et qui eut opinion que si quelque chose divertissoit Astrée, il pourroit plus aisément entretenir Alexis, il fit signe à Calidon qui, rendu plus hardy que de coustume, après avoir fait une grande révérence à la bergère, la prit de l’autre costé sous les bras, feignant que c’estoit pour luy aider à marcher.

La bergère qui vid bien qu’il n’y avoit plus de moyen de s’en desdire, se tournant vers Alexis : Je confesse que les mauvais exemples, dict-elle, s’imitent plustost que les bons et qu’il faut que je me desdise de l’avantage que j’ay donné aux bergers de Lignon. – Que voulez-vous y faire ? dit Alexis en pliant les espaules, si notre vie n’estoit meslée des amertumes, ne serions-nous point trop heureuses ? Elle respondit cela si bas que ny Hylas ny Calidon n’en entendirent rien, et toutesfois la froideur de laquelle la bergère receut Calidon, luy donna bien quelque opinion qu’elle eust plus agreable d’estre seule avec cette druide, mais feignant de ne le point recognoistre, il ne laissa de continuer son dessein de sorte