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luy en feray perdre la fantaisie. Ce n’est pas que je ne recognoisse que ce berger a beaucoup plus de mérites que je ne vaux, mais c’est que mon Génie ne sçauroit se bien accommoder avec le sien. Jugez, madame, quelle apparence il y a que je croye Calidon estre amoureux de moy, que je sçay avoir aymé Celidée plus que sa propre vie, et en avoir fait les excez de desobeyssance que chacun sçait, et contre un oncle qui luy tient lieu de père, soit pour le soing qu’il a eu de luy depuis le berceau, soit pour les biens qu’il en peut espérer. – Mais, dit Alexis, j’ay ouy dire que depuis qu’elle s’est blessée de la sorte que nous la voyons, il a perdu ceste humeur, et qu’il ne l’aime plus. – Je crois, repondit Astrée, qu’il est vray, mais s’il est ainsi, que puis-je espérer de son amitié qui n’est née que d’autant qu’il pense me devoir aimer par le commandement de Thamire, puis que celle qu’il a portée à Celidée, que chacun a recogneue si ardente, s’est esteinte lors qu’elle est devenue moins belle ? Doncques, aussi-tost que mon visage changera, son affection en sera de mesme. Qu’est-ce que je demanderois si je recognoissois, non pas ce changement, mais, la moindre diminution de la bonne volonté qu’il m’auroit fait paroistre ? Mais, madame, continua-t’elle avec un grand souspir, celle-là n’est pas la principale difficulté, car peut estre pourrois-je bien espérer de retenir