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voir à la belle Astrée le petit portraict qu’elle avoit accoustumé de porter au col et que la bergère ne cognoissoit que trop bien. Elle mit donc la main à moitié sur son visage, et de l’autre elle prit le linceul, et s’en couvrit presque toute comme si elle veust eu honte de se laisser voir en cet estat.

Leonide, pour mieux jouer son personnage : Que vous semble, ma sœur, dit-elle, des belles filles que je vous ameine pour vous ayder à lever ? – Ma sœur, dit Alexis, se relevant un peu sur le lict, vous m’avez fait une grande honte en me faisant une si grande faveur ; car que diront-elles de moy me trouvant, encores au lict ? – Et que peuvent-elles dire, reprit la nymphe, sinon que vous estes paresseuse, et que les filles druides des Carnutes ne sont pas si diligentes que les bergères de Forests ?

A ce mot, toutes ces belles bergères luy donnèrent le bonjour ; et elle, après leur avoir rendu leur salut avec la mesme courtoisie, se tournant du costé d’Astrée : Et vous, belle bergère, comment avez-vous passé cette nuict ? – Voulez-vous, ma sœur, interrompit Leonide, que je le vous die pour elle ? Je vous proteste, continua-t’elle, qu’elle a couché icy auprès de vous. – Auprès de moy ? reprit incontinent Alexis. – Auprès de vous, continua Leonide, et si ce n’a esté du corps, ç’a esté pour le moins de la pensée. – De ceste sorte, respondit Alexis, cela pourroit bien estre, et je le veux croire, d’autant plus que je vous