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d’avoir beaucoup de mérites, et de l’avoir agréable, et seulement parce que vous ne sçavez pas d’où il est est. Eh, ma maistresse, mon cœur, ne voudriez-vous point manger d’une belle pomme si vous ne sçaviez quel est l’arbre qui l’a porté ? Folie ! et folie la plus grande qui soit entre les hommes, qui se tuent de peine à poursuivre les apparences, et ne se soucient point des choses qui sont réelles, et véritablement bonnes. Dieu m’a fait une grande grâce de m’avoir donné des parens qui ne me traittent point ainsi, car je vous asseure que s’ils estoient d’une autre humeur, je leur donnerais bien de l’exercice.

Diane alors en sousriant : Je vois bien, mon serviteur, dit-elle, que vostre conseil est bon, mais il n’en faut guère user. Dites-moy, je vous supplie, ceste opinion que vous meprisez si fort, et ces apparences que vous blasmez, que sont-ce autre chose que la réputation pour laquelle nous sommes obligées, non seulement de mettre ce qui nous peut apporter du plaisir et du contentement, mais la propre vie ? Car y a-t’il rien de si misérable qu’une fille sans ceste réputation ? Et y a-t’il condition au monde si misérable que celle de la personne qui l’a perdue ? Je vous advoueray que qui la veut bien considérer trouvera que c’est une folie. Mais y a-t’il quelque chose parmy nous qui ne soit folie, si l’on la veut bien rechercher ?