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le rendent digne d’estre aimé. – Or celle-cy, dit Phillis, est l’une des plus grandes folies du monde. Les parens nous veulent choisir des maris, et nous sommes si sottes que nous les laissons faire ! cela seroit bon si c’estoit eux qui les deussent espouser. Et ne voilà pas la mesme considération qui a rendu Astrée en l’estat où elle est ? Si ses parens luy eussent laissé la libre disposition de soy-mesme, elle eust espousé Céladon, il seroit plein de vie et elle contente à jamais, au lieu que par leurs contrarietez, ils en ont fait mourir l’un, et l’autre n’est guère meilleur. Et maintenant pour achever de la ruiner du tout, ce vieux réveur de Phocion luy veut donner Calidon, et s’est tellement persuadé que cela devoit estre ainsi qu’il ne luy laisse point de repos. Ah ! que s’il avoit à faire à moy, je l’aurois bien tost résolu ! – Et que feriez-vous, reprit Astrée, si vous estiez en ma place ? – Je luy dirois en fort peu de mots, dit-elle : Je n’en feray rien. – Et quelle opinion auroit-on d’une fille qui parlast ainsi ? interrompit Diane. Et qu’est-ce que l’on en diroit ?

– Ma maistresse, m’amie, respondit Phillis, les paroles ne sont que des paroles, et le vent les emporte, et les opinions ne sont que des opinions, qui s’effacent aussi aisément qu’elles s’impriment ; mais espouser un mary fascheux, c’est un effect qui dure le reste de la vie, et c’est pourquoy j’estime que vous estes peu advisée, toute Diane que vous estes, quand vous dites que vous ne voudriez pas avoir espousé Silvandre, que vous avouez