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pardonnez moy, ma maistresse, si cela vous offence, car il n’y eut jamais fille qui se faschast d’estre aimée et servie d’une personne de mérite, et j’en ay bien veu plusieurs qui au contraire estaient bien marries lors que ceux qui avoient fait semblant de les aymer, changeoient de volonté, encores qu’elles n’y eussent point de dessein. Et si je diray bien plus, que je n’en ay jamais veu qui, en leur âme, n’ayent eu quelque desplaisir de voir ces changemens, et moy-mesme qui n’aymois point Hylas, je suis contrainte d’avouer que lors qu’il me quitta, j’en eus du desplaisir, quelque mine que j’en fisse. Et cela est d’autant que, tout ainsi que les recherches de ceux qui nous aiment, sont tesmoignages de nostre beauté et de nostre mérite, de mesme leurs esloignemens sont des preuves du contraire.

– Vous aurez, dit Diane, telle opinion de moy qu’il vous plaira, mais si vous jureray-je que si c’estoit à mon choix, je ne sçay lequel j’eslirois plustost, ou la continuation, ou la fin de sa recherche, prévoyant qu’elles me rapporteront autant de desplaisir l’une que l’autre, car s’il continue, à quel dessein le souffriray-je ? Puis qu’il n’y a pas grande apparence que mes parens permettent que j’espouse une personne incogneue, et moy-mesme, j’aurois honte que Diane commist ceste faute. Et si nous nous séparons d’amitié, je vous asseure que je le regretteray longuement, me semblant que ses mérites