Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/415

Cette page n’a pas encore été corrigée

le bon soir, elle avoit tousjours à qui dire quelque chose. En fin Leonide qui après avoir logé toutes les autres, l’estoit venue retrouver en ceste chambre, oyant l’horloge qui frappoit la minuist, la contraignit de se retirer. Les trois bergères se voyans seules, encores qu’il y eust divers licts dans la chambre, voulurent toutesfois coucher toutes trois dans le plus grand, ne se pouvant qu’à grand peine séparer.

Cependant qu’elles se deshabilloient, Astrée, ne pouvant guère, parler d’autre chose que d’Alexis : Mais, ma sœur, dit-elle, s’adressant à Phillis, vistes-vous jamais deux visages si ressemblans que celuy de la belle Alexis et du pauvre Céladon ? Phillis respondit : Quant à moy, j’avoue n’avoir jamais veu portraict ressembler plus à celuy pour qui il a esté fait. – Mais dites encore davantage, adjousta Diane, que ne vistes jamais miroir représenter plus naïfvement le visage qui luy est devant. – Et que diriez-vous, ma sœur, reprit Astrée, si vous aviez parlé particulièrement à elle, puisque la voix, le langage, la façon, les actions, les sousris, bref les moindres petites choses qu’elle fait sont si semblables à celles que je soulois, remarquer en Céladon que, n’y pouvant trouver aucune différence, plus je la considère et plus j’en demeure ravie. – Mon Dieu ! reprit alors Phillis, si nous pouvions faire que le sage Adamas la voulust laisser quelque temps parmy nous, je crois, ma sœur, que ce vous seroit