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tant de belles bergeres et tant de gentils et discrets bergers en rendent non seulement la compagnie grande, mais la demeure fort agreable. – Ce n’est pas, reprit Paris, la quantité, mais la qualité des personnes qui me la faict estimer. – Je le crois, dict-elle, comme vous, puisque bien souvent les plus grandes compagnies sont les plus ennuyeuses, mais celle-cy est telle qu’il faudroit estre de mauvaise humeur pour s’y fascher. – Je vois bien, repliqua Paris, qu’encore vous n’entendez pas, ou plustost vous ne voulez pas entendre ce que je veux dire. Ce n’est pas de toute la trouppe de qui j’entends parler, mais, belle bergere, d’une seule, sans laquelle toute la compagnie me seroit ennuyeuse.

Diane, feignant de ne le pouvoir entendre : Celle-là, dit-elle froidement, vous est bien fort obligée, encore que ce soit aux despens de toutes les autres. – Personne de la compagnie, respondit Paris, ne m’en doit sçavoir mauvais gré, puis que sans celle que je dis, la vie mesme me seroit desagreable.

Et à ce mot, s’estant teu pour quelque temps, et voyant que Diane ne disoit rien : Je ne vis jamais, continua-t’il en sousriant, une bergere moins curieuse que Diane. Pourquoy ne me demandez-vous qui est celle de qui je veux parler ? – Ce seroit, dit-elle, une trop grande indiscretion, car je suis bien asseurée que si vous voulez la nommer, vous me la direz, et si vous la voulez taire, je serois