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aurons faict quelque fascheuse prise,
Changeons-la de bonne heure, et nous en deffaisons ;
Voyez-vous ces marchands qui vivent par raison,
Comme ils offrent devant la pire marchandise !

IV
Ce qui nous rend prudens, n’est-ce l’experience ?
L’experience n’est que d’avoir espreuvé
Cent diverses humeurs, et s’estre conservé.
Ce qui nous rend prudens, c’est doncques l’inconstance.

V
Que j’estime l’amour que tout plaisir emporte
Sur le premier object qui luy tente les yeux ;
La riviere qui court et passe en divers lieux
Contente beaucoup plus que non pas une eau morte.

VI
Ceux qui d’estre constans se donnent la louange,
S’ils aiment longuement, sont eux-mesme inconstans ;
En laideur la beauté se change par le temps,
Et qui l’aime changée, il faut aussi qu’il change.

VII
Car sçavez-vous que c’est, qu’une beauté passée ?
C’est un foyer qui chaud a d’autrefois esté,
Un grand hyver qui suit apres un grand esté,
Bref une eau qui bouillante est à la fin glacée.