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Sonnet

Qu’encores que son amour soit extreme, il croit de n’aymer point assez.

Quand de tous les mortels les cœurs seroient unis
Pour aymer un sujet qui fust le plus aymable,
Leur passion encor ne seroit point capable
D’esgaler mon amour ny mes feux infinis.

N’adorer rien que vous,et nous estre bannis
De tout autre penser qui puisse estre agreable,
Languir et souhaiter ce mal est incurable,
Ou d’une prompte mort estre soudain punis,

N’estimer de mon feu sinon la violence,
Brusler de cent desirs, mais tous sans esperance,
De mon extreme amour sont les moindres excez.

Et toutesfois, ô dieux ! quand je vous vois, madame,
Je vois tant de sujet et d’amour et de flame
Que je m’accuse encor de n’aymer point assez.

Silvandre laissant toute la compagnie fort satisfaite de ce qu’il avoit chanté, baisant la harpe, la presenta à Corilas qui, la recevant de bon cœur et tournant les yeux du costé de Stelle, apres avoir accordé sa voix avec l’instrument, chanta d’une voix fort agreable, de ceste sorte :