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par les bergeres et par les troupeaux. Mais je l’estime encores plus judicieux d’avoir donné vostre visage à cette déesse. Car comment pouvoit-il mieux choisir, puis qu’il avoit à representer une divinité, que le patron le plus parfait que la nature nous ait fait voir ? Vostre beauté estant telle, que je veux croire que cette Astrée, si elle prend la peine de baisser les yeux sur cet autel, se glorifiera plus des traicts de ce beau visage, que du sien mesme, et qu’elle aymera mieux estre veue telle que vous paroissez en terre, que telle qu’on la void dans le Ciel. – Ces louanges, dit Astrée en rougissant, sont trop grandes pour une personne si remplie de mal-heur que je suis. Et mesme venant de vous, madame, à qui elles sont bien mieux deues. Il est vray que telle que je puis estre, je suis bien tellement vostre, que vous en pouvez et parler et disposer comme il vous plaira, n’ayant pour ceste heure nulle autre plus grande ambition que de pouvoir meriter le tiltre d’estre à vous.

Alexis alors tournant les yeux vers elle : Voulez-vous, luy dit-elle, belle bergere, que je croye ce que vous me dites ? – Je vous supplie, madame, dit incontinent Astrée, et vous en conjure par ce que vous avez jamais le plus aymé. – Cette conjuration, dit-elle, que vous me faites, outre ce qui est de vostre merite, est trop forte pour permettre que vostre requeste ne vous soit accordée ; c’est pourquoy, pour ne manquer à celle par