Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/382

Cette page n’a pas encore été corrigée

continua le druide, le pouvez-vous accuser pour d’autres que pour Clarinte ? - Et n’est-ce pas assez ? respondit Daphnide. - Mais quand il alla servir Clarinte, ne le luy aviez-vous pas commandé, et luy, ne le fit-il pas à contre-cœur ? - J’avoue, dit-elle, que je fus en cela imprudente, et luy dissimulé. - Mais, en effect, dit Adamas, s’il s’en fust retiré, et qu’Euric eust voulu retoumer encores vers elle, n’eussiez-vous pas blasmé Alcidon d’avoir desobey à vostre commandement ? - Je pense que ouy, dit-elle.

- Or escoutez donc, reprit alors le druide, vous Daphnide, et vous Alcidon. Le grand Tautates, qui, par amour, a fait tout cet univers et par amour le maintient, veut non seulement que les choses insensibles, encores que contraires, soient unies et entretenues ensemble par liens d’amour, mais les sensibles et les raisonnables aussi. Et c’est pourquoy, aux elemens insensibles, il a donné des qualités qui les lient ensemble par sympathie : aux animaux, l’amour et le desir de perpetuer leur espece ; aux hommes, la raison qui leur apprend à aimer Dieu en ses creatures, et les creatures en Dieu. Or, cette raison nous enseigne que tout ce qui est aimable se doit aimer selon les degrez de sa bonté, et, par ainsi, ce qui en aura plus, devra aussi estre plus aimé. Et toutesfois, d’autant que nous ne sommes point obligez à ceste amour, sinon en tant que cette bonté nous est cogneue,